PETITION

à MM. les Membres de l'Académie française
en vue d'un simplification de l'orthographe

Messieurs,

L'Académie française gouverne l'orthographe de notre langue. Sans que ses arrêts aient de sanction, ils servent de règle commune aux imprimeurs. C'est donc à l'Académie que doit s'adresser une pétition ayant pour objet une simplification de l'orthographe.

Pour y faire droit, d'ailleurs, l'Académie n'a qu'à continuer son oeuvre. La simplification, elle l'a poursuivie continûment depuis l'origine. Il y a peu d'années, elle supprimait encore des signes inutiles, le trait d'union de ''très-bon'', la seconde ''h'' de ''diphthongue''. Le public, à ce moment, a suivi avec discipline. Ce que l'Académie fera dans le même sens sera toujours ratifié par la pratique universelle.

Les soussignés font appel aux traditions réformatrices de l'Académie pour solliciter d'elle un nouveau perfectionnement. Elle seule peut en formuler la règle et la mesure. Voici des exemples des questions qu'on lui demande de trancher :

1) Question des suppressions d'accents muets (''oà¹'', ''là'', ''gâte'', ''qu'il fût''). De là, pour les typographes, l'économie possible de quatre caractères à faire fondre dans chaque corps (''à'', ''à¹'', ''â'', ''û'').

2) Question des suppressions d'autres signes muets (trait d'union dans ''peut_être'' (3), ''h'' dans ''rythme'', ''l'' dans ''le fils'', ''o'' dans ''faon''); questions du dédoublement (''honneur'' par ''n'' simple, comme ''honorer'') et de la substitution d'une lettre à deux (''f'' pour ''ph'' des mots grecs, comme déjà dans ''frénésie'', ''fantaisie'', ''faisan''). De là, pour qui écrit, une économie possible de temps; pour qui imprime, une économie possible d'espace et d'argent.

(3) Quelques personnes ont cru qu'il s'agissait ici d'écrire ''peut être''. Le rédacteur de la pétition pensait à ''peutêtre'', écrit en un mot, comme ''déjà'', ''plutôt'', ''aujourd'hui'', etc. Voir p. 17.

3) Question de l'uniformité (''dixième'' écrit comme ''dizaine'', ''dix'' comme la vis, les pluriels genoux, étaux comme les pluriels fous, landaus). De là, pour quiconque étudie la langue, une économie possible d'effort.

Ce qui inspire la présente pétition n'est pas une idée abstraite. Les soussignés, au contraire, croient pouvoir invoquer des intérêts réels.

Ils invoquent d'abord un intérêt trop souvent méconnu, et qu'on a le droit d'appeler national. Car pour la France, il n'est pas indifférent que son idiome soit aisé ou malaisé à apprendre. En efet en retouchant l'orthographe, l'Académie le rendra plus rapidement assimilable pour nos concitoyens bretons ou basques, pou nos sujets et protégés des pays musulmans, enfin pour tant d'étrangers, clients ou amis, soit de l'Etat français, soit du génie français.

Ensuite, ils invoquent l'intérêt individuel des personnes peu lettrées, à qui l'Académie peut faciliter l'accès à la culture. Et tout particulièrement l'intérêt des enfants. Mille difficultés gratuites peuvent leur être épargnées par une décision de l'Académie, et il dépend d'elle d'alléger d'un lourd fardeau la population enfantine tout entière et ses maîtres. Ce sont là sans doute des considérations sérieuses. Les soussignés les soumettent respectueusement aux réflexions de l'Académie, et en tirent l'espoir que leur requête sera entendue.