- VI -

... Permettez-moi d'attirer votre attention sur le point, à mon avis, le plus essentiel. La réforme orthographique a pour but non pas seulement d'abréger les abécédaires et les grammaires, et de diminuer le temps que les écoliers et leurs maîtres perdent en futilités, mais encore et surtout d'armer notre langue pour la lutte contre ses rivales. Contre le flamand en Belgique, contre l'Allemand dans le Luxembourg, contre l'allemand et l'Italien en Suisse, contre l'anglais au Canada, le français poursuit et doit poursuivre un combat pacifique, mais incessant. En Orient, en Afrique, l'influence française rivalise avec l'influence russe, anglaise, italienne... A Tunis, par exemple, les écoles françaises et les écoles italiennes se disputent le terrain pied à pied; en Algérie, l'assimilation des indigènes et celle des colons étrangers a pour première condition la facilité d'apprendre notre langue. Moins elle sera hérissée de vaines complications, plus elle gagnera vite les mémoires, les intelligences et les cœurs, et plus elle fera de progrès au dépens de ses concurrentes.

Je sais bien que la politique, la marine, le commerce, la situation géographique, les idées abstraites aussi jouent un rôle et un grand rôle dans le monde, mais enfin la langue est un des acteurs. Je ne pourrais comprendre, pour ma part, qu'un homme politique se désintéressât de la question; simplifier l'orthographe française, c'est servir l'intérêt français. Voilà pourquoi le congrès de l'''Alliance française'', Ã